TROCQUER SES COMPÉTENCES
Sur fond de crise économique, le troc de compétences fait de nouveaux adeptes : les cols blancs. La formule se développe surtout chez les indépendants, et touche de plus en plus d'adeptes grâce au web. Simple mode ou tendance d'avenir ?
Une formation à Powerpoint contre la création d’une plaquette commerciale, un coup de main sur sa comptabilité en échange de conseils pour utiliser un logiciel de messagerie… Nathalie Olivier, consultante et formatrice en RH, a monté au fil de ses rencontres professionnelles un mini réseau fondé sur l’entraide et le partage de compétences. Pas question d’argent pour la vingtaine de consultants et dirigeants de PME qui y gravite, prêts à s’échanger ponctuellement leur savoir-faire.
Des sites pour troquer du temps
Partage, entraide, solidarité… Porteur de ces valeurs, le troc de compétences est dans l’air du temps. Même si la démarche reste marginale, elle est de plus en plus répandue surtout grâce à Internet où émergent des plateformes basées sur le « troc de temps ». L’une des plus connues, Troc-services.com, compte 45 000 inscrits. Chaque année, ce site associatif s’enrichit de 10 000 offres de service en tout genre. Une monnaie fictive, le « sol », permet de concrétiser les échanges. Tous les services se valent : une heure de jardinage et une heure de cours de comptabilité pèsent la même chose : 10 « sols ». D’après son fondateur, Arnaud Guirovet, un ingénieur de formation, les troqueurs inscrits sur son site viennent de tous les horizons : chômeurs et étudiants à la recherche de bons plans y côtoient écolos militants et cadres sensibles à l’esprit solidaire.
Une arme anti-crise
Avec la dégradation de l’économie, les adeptes de ces échanges vont-ils se multiplier parmi les cadres ? En Grèce, où l’austérité a fait plonger les revenus, le troc de compétences a, paraît-il, le vent en poupe. « J’ai consacré 10 heures à réparer des ordinateurs de particuliers, expliquait récemment à l’AFP Vassili, un informaticien athénien sur le carreau. En retour, un électricien est venu rétablir ma ligne téléphonique, quelqu’un m’a coupé les cheveux… et j’ai même pris des cours d’espagnol ». En quelques mois, des milliers d’athéniens auraient rejoint comme Vassili ces nouvelles banques de temps en ligne.
… et à l’isolement dans les grands groupes ?
En France, on n’en est pas encore là. « De plus en plus de gens s’y intéressent mais encore beaucoup hésitent à troquer avec un parfait inconnu, c’est le principal frein », convient Arnaud Guirovet. Il n’en reste pas moins le troc de compétences répond à de vraies problématiques au bureau. « On vous demande de plus en plus d’être multi-compétent », fait valoir Nathalie Olivier. Or il est impossible de maîtriser tout, son cœur de métier et en plus Powerpoint, les réseaux sociaux, le développement personnel, etc. Par ailleurs, dans les grandes structures, les cadres intermédiaires sont très souvent isolés, leurs supérieurs hiérarchiques n’étant pas forcément plus compétents ou experts qu’eux ». En troquant leurs savoir-faire, les cadres des grands groupes trouveraient une parade aux exigences de leur hiérarchie. Tout en faisant preuve d’altruisme en rendant service à ceux qui les ont aidés.
Bruno Askenazi © Cadremploi.fr