Les demandes de communication de données d'utilisateurs sont en nette hausse. C'est ce qui ressort du premier "rapport de transparence" de Twitter publié le 4 juillet. Sur les 849 requêtes enregistrées, 679 proviennent d'ayants droit, d'organismes gouvernementaux ou de tribunaux d'Amérique du Nord, indique le site de microblogging. Une dizaine de requêtes seulement émanent de la France. La plupart des demandes portent sur la suppression de contenus relatifs aux droits d'auteur. Dans l'ensemble, Twitter a répondu favorablement à moins de 20 % des demandes, sauf en ce qui concerne les États-Unis où 75 % des requêtes ont été accueillies favorablement. Comment nos données sont-elles protégées sur Twitter ? Le Point.fr a interrogé Florence Chafiol-Chaumont, avocate associée du cabinet August & Debouzy.
Le Point.fr : Un juge américain a ordonné à Twitter de lui transmettre les données d'un utilisateur lié au mouvement Occupy Wall Street. Twitter a résisté, invoquant la "vie privée" de l'utilisateur. Mais l'argument n'a pas convaincu...
Florence Chafiol-Chaumont : C'est pour éviter que l'utilisateur concerné engage sa responsabilité pour avoir communiqué à un juge ses tweets et données personnelles. Alors, Twitter s'est opposé, du moins dans un premier temps, à la demande du juge américain. Le quatrième amendement de la Constitution américaine protège en effet les citoyens contre toute perquisition ou saisie non motivée. La société de microblogging a donc contesté le bien-fondé de la réquisition en demandant au juge la production de "mandats" exigée par la procédure.
Qu'en serait-il en France ?
La situation serait la même d'un point de vue strictement procédural. Twitter ne communiquera des données que sous réserve que les conditions de procédure posées par la loi soient toutes strictement respectées. Dans le cadre d'une enquête, le juge français peut requérir auprès de l'hébergeur la communication de toute information figurant sur le site sans avoir à justifier d'un pouvoir particulier et l'hébergeur ne peut s'y opposer, et cela, sous peine d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende (article 6-2 de la LCEN, loi pour la confiance dans l'économie numérique). De même, les règles de procédure civile et particulièrement les articles 10 et 11 du Code de procédure civile autorisent les juges français à exiger de la part de Twitter la communication de tout tweet ou donnée personnelle d'un tweeter. Twitter peut également communiquer des données sur réquisition judiciaire aux services de la police judiciaire, par exemple, à la demande de la BEFTI (brigade d'enquêtes sur les fraudes aux technologies de l'information). Néanmoins, dans la mesure où seules les personnes autorisées par la loi peuvent avoir accès à ces informations, une personne physique intéressée ne pourrait pas directement en obtenir communication de la part de Twitter.
Pourtant, les règles de fonctionnement du site de microblogging stipulent que les utilisateurs sont "propriétaires" de leurs contenus ?
Les utilisateurs sont effectivement propriétaires du contenu qu'ils éditent. Pour autant, les conditions d'utilisation de Twitter (5. Vos droits) stipulent : "En soumettant, postant ou publiant des contenus sur ou par le biais des services, vous nous accordez une licence mondiale, non exclusive, gratuite, incluant le droit d'accorder une sous-licence, d'utiliser, de copier, de reproduire, de traiter, d'adapter (...) ces contenus." Cette disposition amoindrit la titularité des contenus au profit des seuls utilisateurs puisqu'elle permet à Twitter de réutiliser ces contenus sans l'accord de l'intéressé. Compte tenu de la réglementation française existante, Twitter ne serait pas autorisé à communiquer les données personnelles de l'utilisateur sans son autorisation à une personne autre qu'une autorité judiciaire au risque de voir sa responsabilité pénale engagée (article 226-22 du Code pénal). En revanche, sur le fondement de ce même article, Twitter ne se rendrait coupable d'aucun délit de violation du droit à la vie privée en communiquant à une autorité judiciaire des données personnelles de ses utilisateurs.
L'utilisateur peut-il néanmoins s'opposer à la communication de certains tweets au motif qu'ils sont "privés" parce que paramétrés à cette fin ?
Cela pose la question du statut des tweets. Un tweet est-il un message privé ou public ? Les tweets sont par défaut considérés comme "publics", mais il est possible pour un utilisateur de protéger ses tweets en paramétrant son compte pour choisir les personnes pouvant y accéder. Il ne fait aucun doute que le caractère public des tweets serait a priori admis par les juridictions françaises, surtout s'il n'a pas été paramétré comme "privé". Ainsi, la chambre sociale de la cour d'appel de Reims a jugé à propos d'une publication sur un mur du site Facebook que "le salarié ne peut valablement invoquer une atteinte à la sphère privée ou une violation de la correspondance privée" alors même que le message avait été posté sur le mur d'un ami... Par ailleurs, Twitter met en garde ses utilisateurs : "Ce que vous dites sur Twitter est visible partout dans le monde instantanément. Vous êtes ce que vous tweetez !" (1. Conditions de base.) En outre, la plupart des tweets restent accessibles à tous, même aux internautes n'étant pas titulaires d'un compte Twitter. En cela, les tweets ont un caractère public et, comme tout message public, leurs auteurs peuvent être sanctionnés si ces messages sont illicites (diffamation...). De toute façon, que le tweet soit public ou privé et paramétré comme tel, rien n'empêchera un juge ou un policier habilité de demander communication des tweets archivés et des données personnelles (d'identification) du titulaire du compte et des contributeurs.