Par Emilie Lévêque - publié le 26/10/2012 à 16:46

Hier soir, François Hollande a tenté de mettre un terme à la cacophonie qui règne sur la compétitivité, alors que les très attendu rapport Gallois sur ce sujet est l'objet de moult spéculations et que le gouvernement, à force de déclarations contradictoires, est devenu inaudible. "La lucidité, c'est de considérer que depuis 10 ans, la compétitivité de notre économie a décroché", a reconnu le chef de l'Etat jeudi devant des milliers d'entrepreneurs, à l'occasion de la remise du grand Prix excellence Oséo. "Aujourd'hui nous n'avons plus le temps de différer les choix", a-t-il indiqué.
Néanmoins, il n'y aura pas de "choc" mais une "stratégie", un "pacte" de compétitivité. "Il ne s'agit pas d'un énième plan, ou d'un choc qui tiendrait davantage de l'effet d'annonce que d'un effet thérapeutique", s'est justifié François Hollande. Ce sera donc, selon ses mots, "un pacte de compétitivité qu'il s'agit de conclure", car "il n'y a pas de formule magique, de mesure miracle, de réponse unique. C'est un ensemble de moyens, de dispositifs et de politiques qui doivent être mobilisés."
Ce faisant, le chef de l'Etat semble avoir définitivement fermé la porte au choc d'offre réclamé à cor et à cris par le patronat, de nombreux économistes et la droite, à savoir un allègement massif des charges patronales pesant sur le travail. Pourtant, il a quelques semaines encore, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et le président lui-même semblaient avoir adhéré à l'idée d'une nécessaire baisse du coût du travail.
"L'emploi sera favorisé dès lors qu'embaucher coûtera pour les entreprises moins cher qu'aujourd'hui", déclarait François Hollande le 9 septembre sur TF1. Trois jours plus tard, Jean-Marc Ayrault assurait que d'ici à la fin de l'année, le gouvernement fera des propositions en faveur "d'un vrai choc de compétitivité". Début octobre, Le Monde assurait même que l'Elysée réfléchissait à une baisse massive du coût du travail de 40 milliards d'euros sur cinq ans. Le rapport que remettra l'ancien patron EADS, Louis Gallois, au gouvernement le 5 novembre prochain, devrait lui préconiser une baisse des charges de 30 milliards, selon la presse.
Pas de hausse généralisée de la TVA ou de la CSGSelon l'Institut de l'entreprise - un think tank patronal -, il faut en effet alléger le coût du travail de 20 milliards d'euros au minimum pour qu'il y ait un effet positif sur la compétitivité des entreprises françaises. Problème: il n'est pas question de priver la Sécurité sociale, en déficit structurel depuis dix ans, de dizaines de milliards d'euros de recettes. L'heure est au redressement des comptes publics. La France s'est engagée à réduire son déficit à 3% du PIB en 2013 et à atteindre l'équilibre budgétaire en 2017. Il faudrait donc compenser intégralement la perte liée à la baisse des cotisations patronales et éventuellement salariales.
François Hollande n'a pas totalement exclu de transférer une partie des charges qui pèsent sur le travail pour financer la protection sociale vers d'autres taxes, mais "ce basculement ne pourra se faire que dans le temps", a précisé hier le chef de l'Etat, et "sa compensation ne devra pas affaiblir la demande intérieure". Ce qui écarte implicitement une hausse généralisée de la TVA et/ou de la CSG pour compenser, deux impôts à assiette large qui rapportent gros, mais dont la hausse pèserait lourdement sur le pouvoir d'achat des ménages. Or ceux-ci se préparent déjà à subir des hausses d'impôts de 13 milliards d'euros en 2013.
Un "choc fiscal" passe encore, mais deux... Le gouvernement ayant échoué, dans sa communication, à faire passer le message que la rigueur concernera en priorité les plus aisés et qu'elle épargnera les classes moyennes, pas question d'en rajouter. Politiquement, cette réforme passerait mal auprès des alliés de la majorité, et même au sein de l'aile gauche du PS. Et risquerait de faire perdre au gouvernement le peu de popularité qu'il lui reste au sein de l'opinion. Economiquement, un tel transfert de charges sur la CSG ou la TVA condamnerait tout espoir de reprise économique.
C'est pourquoi François Hollande a enterré l'idée d'un choc de compétitivité. L'ampleur de l'allègement du coût du travail sera donc sans doute limitée à une dizaine de milliards d'euros par an. Et compensée par des hausses ciblées de TVA et de CSG (TVA dans la restauration ou le bâtiment, CSG sur les stock-options ou les retraites chapeaux).