La Commission européenne et le Parlement européen ont enfin créé le brevet unitaire de l’Union européenne. Valable en un seul dépôt et une langue dans 25 pays de l’Union, il pourrait être déposé à partir de 2014 à l’Office européen des brevets. Enfin, si tout va bien.
C’est fait. Les 10 et 11 décembre 2012, la Commission européenne, puis le Parlement européen ont adopté les trois textes encadrant la création du brevet unitaire de l’Union Européenne. Le fruit d’un long processus et de moult compromis entre les États depuis trente ans. Pour tous les acteurs, économiques, c’est une bonne nouvelle. En France, le Medef a immédiatement réagi. "C’est le signal fort que les décideurs européens, quand ils en ont la volonté politique, peuvent donner à nos entreprises, en particulier aux PME, les moyens de lutter à armes égales face à leurs concurrents internationaux," se félicite Laurence Parisot, présidente du Medef, dans un communiqué.
Mais tout n’est pas encore fini. Car les nouveaux textes adoptés sont toujours le fruit d’un compromis. "On a déplacé le problème", avance Christian N’Guyen Van Yen, conseil en propriété industrielle au sein du cabinet Marks&Clerk France. Il explique. "Pour adopter le brevet unitaire, il y a trois textes : le règlement qui fixe le statut du "brevet unitaire de l’Union européenne", le règlement sur le régime de traduction et l’accord sur le tribunal du brevet unitaire."
Si, en juin dernier, alors que les États étaient tombés d’accord sur les questions de juridiction, le Parlement avait refusé d’adopter les textes, c’est parce que les Anglais avaient obtenu de déplacer les articles 6 à 8 du texte fixant le statut du brevet, retirant ainsi à la Cour européenne tout pouvoir d’intervention en matière de contrefaçon. Une façon de laisser aux professionnels de la propriété intellectuelle le droit de faire leur droit et surtout d’éviter d’éventuelles lenteurs de procédures.
Dans les textes adoptés, les articles n’ont pas été remis à leur place, mais déplacés dans l’accord sur la juridiction du brevet unitaire, qui lui doit être ratifié par au moins 13 des 25 pays membres concernés par le brevet unitaire, dont forcément la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. "Or autant les gouvernements des trois pays, qui ont négocié cet accord, sont favorables à la signature de ce traité, autant les procédures de ratification vont susciter des débats sur la Cour de justice européenne, dans la mesure où on a réintroduit un contrôle juridictionnel", reprend l'expert. En Allemagne notamment, où les professionnels de la propriété industrielle n’y sont pas favorables, alors que les entreprises le sont. Outre-Manche, c’est l’inverse, ce sont les entreprises qui ne veulent pas de la Cour européenne, estimant qu’elle n’est pas compétente sur ces questions et pourrait prendre des décisions aberrantes.
Au final, le texte devrait finir par être signé, mais peut-être pas assez vite pour lancer le brevet unitaire d’ici à 2014. Pour mémoire, il a fallu huit ans pour ratifier le protocole de Londres (après adoption par l’Union européenne), qui limitait à trois langues (Français, Anglais et Allemand) les langues officielles de l’Office européen des brevets.
Reste aussi le recours de l’Espagne et de l’Italie pour annuler la procédure de coopération renforcée, qui a permis de négocier ce brevet à 25 au lieu des 27. Mais a priori, ils devraient être déboutés.
Aurélie Barbaux