ENTRETIEN Isabelle Izard est co-auteur (avec Nathalie Cahn) non pas d’un énième livre sur le brainstorming mais d’un kit pour devenir un bon animateur de séance de créativité. L’ensemble publié par les éditions Ellipses comprend un livre, des cartes, une clé USB avec des modèles de check liste. Sa conceptrice revient sur les moyens à mettre en place pour que cette réunion soit un vrai outil de créativité. Contrairement aux idées reçues, elle affirme que la créativité se travaille avec de véritables processus qui vont permettre de catalyser l’énergie du groupe
L'Usine Nouvelle - Avec Nathalie Cahn, vous venez de publier une "brainstorming box". Quelles sont vos motivations ? Ne trouvez-vous pas que le brainstorming est devenu un outil banal ?
Isabelle Izard - J’avais d’abord envie de vulgariser mon métier qui consiste à mettre la créativité au service des entreprises. Ce que j’observe, c’est qu’on organise beaucoup de petites réunions qu’on appelle brainstorming, mais sans en appliquer toutes les méthodes et donc sans en tirer tout le potentiel créatif. Dans ces réunions ce sont plutôt les frustrations des uns et des autres qui s’expriment. Ce que nous proposons dans cette "box" c’est de mettre à la disposition de chacun, les entreprises grandes ou petites, mais aussi les associations ou les individus, des outils qui favorisent l’expression de la créativité.
A-t-on vraiment besoin de se réunir pour créer ? N’est-ce pas avant tout une activité solitaire ?
Le brainstorming n’est bien sûr pas la seule technique pour avoir des idées. Contrairement à ce que vous dites, l’expérience prouve que l’on a plus d’idées à plusieurs que seul. En outre, la spécificité du brainstorming réside dans son caractère collectif, c’est un travail de groupe. Chacun apporte son angle, sa manière de voir. Cela contribue aussi à la cohésion d’ensemble, ce qui fera vivre le projet dans un deuxième temps. Dans un processus de recherche, le brainstorming est un moment intéressant. C’est un instant catalyseur de mobilisation des énergies.
Quel type de questions peut-on résoudre de cette façon ? Y’a-t-il des sujets à privilégier ou bien n’importe quelle difficulté peut-elle être surmontée de cette façon ?
Un brainstorming ne s’improvise pas, il se prépare. Cela concerne aussi la bonne formulation du problème. Si la question posée est trop pointue, ce n’est pas la peine de mobiliser des ressources créatives pour trouver une réponse. A l’inverse, si la question est trop vague, rien d’intéressant ne risque de sortir de la réunion. Il faut cadrer un minimum, car on est plus créatif sous contrainte.
Y’a-t-il d’autres points à préparer ?
L’animateur ne doit pas arriver en jetant une question en pâture. Il doit avoir rassemblé des données sur le sujet, réfléchi à la façon dont il va stimuler les uns et les autres, comment il va animer la séance…. Le brainstorming est une technique pour faire émerger des idées. Pour que cela marche bien, il faut bien poser les règles du jeu, créer un climat favorable.
Quelles que soient les techniques mobilisées, nous ne sommes pas égaux face à la créativité, certains le sont plus que d’autres. Ne perd-on pas du temps à faire travailler ensemble des personnes qui ne sont pas très créatives qui vont retarder celles qui le sont davantage ?
J’ai la conviction que tout le monde est créatif : il suffit d’observer les stratégies que développent les enfants pour ne pas aller se coucher. Ensuite, tout le monde n’exprime pas sa créativité de la même façon, certains sont plus concrets, d’autres conceptuels ou encore relationnels. Les formes de créativité sont multiples. La créativité c’est comme un muscle : plus on la pratique, plus le muscle se développe. Ce n’est pas parce que certaines personnes sont inhibées qu’elles n’ont pas de créativité. Enfin, je tiens à rappeler que le brainstorming est un travail collectif. Ce n’est pas l’idée de Monsieur X ou de madame Y, mais la réflexion d’un groupe. Là encore, l’animateur a un rôle clé : il doit donner à chacun la possibilité de s’exprimer.
N’importe qui peut donc venir à un brainstorming ?
La règle d’or pour avoir un bon brainstorming est d’avoir une diversité de profils. Cela doit être l’occasion d’ouvrir l’horizon, de faire venir des personnes d’autres services, et pourquoi pas, des clients ou des fournisseurs. C’est très important d’avoir des candides qui ont un regard neuf sur la question posée. Dans la mesure du possible, je suis favorable à ce que la participation repose sur le volontariat. La créativité obligatoire, ça ne marche pas !
Propos recueillis par Christophe Bys