Le management des connaissances : un enjeu majeur

Le contrôle de l'information et de la communication est un enjeu fondamental pour toute entreprise: «L'intelligence économique se définit comme l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement, de distribution et de protection de l'information utile aux acteurs économiques¹.» L'intelligence économique est ainsi un objectif important du management des connaissances : il s'agit de drainer, d'ordonner et de restituer de manière proactive l'information stratégique. L'information, authentiquement stratégique s'entend, dont la détention procure un avantage descriptible à celui qui la détient et qui sait s'en servir. Car c'est bien la difficulté : tout ce qui est important n'est pas stratégique ; tout ce qui est stratégique n'est pas secret ; et le secret est le plus souvent dans l'usage et non dans la simple détention.

Le management des connaissances repose en fait sur un triple mouvement. Le premier consiste à structurer et organiser la collection et la capitalisation des informations clés de l'entreprise : cela consiste à recueillir, trier et classer l'ensemble des ressources documentaires, des expertises métiers, des facteurs de compétences, des projets, des données sur la concurrence, etc. Le second mouvement consiste à susciter, sur cette base mise à la disposition de tous, des échanges, des réactions, des commentaires, des notes qui permettent un enrichissement, une création de valeur, une réflexion prospective. Le troisième consiste à être capable de restituer aux bonnes personnes et aux bons endroits, avec le degré de confidentialité et de sécurité adapté, les informations clés, les créations et les innovations viables, pertinentes et performantes. C'est en définitive la constitution d'une mémoire "vivante" qui permet de maintenir et de faire évoluer les connaissances et le savoir faire de l'entreprise, tout en alimentant de nouvelles perspectives stratégiques.

Mais il y a ici une véritable évolution culturelle à intégrer : le développement d'une véritable culture de partage et de coopération au sein des entreprises, situant le pouvoir dans la créativité et l'innovation, et non plus dans la possession statique d'un savoir. Car si le nerf de la guerre est bien l'information, certains peuvent facilement se laisser porter à penser que la rétention d'information est une nécessité stratégique pour eux ! Cela semble la logique même, ou en tous cas la plus spontanée, tant la connaissance est une notion intimement liée à l'humain, ses modes de représentations, ses désirs et ses tabous. Et pourtant Machiavel lui-même, que l'on invoque volontiers pour caractériser l'art du calcul le plus sophistiqué, affirme que «celui qui veut que les autres lui disent ce qu'ils savent doit leur dire ce qu'il sait ; car le meilleur moyen d'obtenir des informations est d'en donner».

Cette évolution de mentalité est un enjeu majeur pour les entreprises, et sans doute une des missions les plus sensibles pour la Gestion des Ressources Humaines à l'avenir. C'est l'interaction entre les individus qui stimule leur intelligence ; l'information et la communication sont des moteurs d'intelligence. Le management des connaissance n'existe que là où les pratiques permettent cette fécondation mutuelle : parler d'intelligence collective peut trouver un sens dans cette seule mesure. La connaissance comme «savoir possédé» est statique. L'intelligence est mobilité, adaptation permanente du savoir, évolution de la connaissance. Et c'est bien là le moteur de développement que les entreprises recherchent, au final, sous la notion de «management des connaissances».

Le support technique du management des connaissances doit évidemment présenter des conditions de confidentialité et de sécurité d'accès, eu égard aux problématiques d'intelligence économique. Mais si les Technologies de l'Information et de la Communication montrent précisément, une chose, c'est qu'il est inutile d'encombrer notre mémoire organique d'une foule de données et d'informations. Au contraire, profitons-en pour libérer davantage les ressources de notre intelligence, comme l'évoque Lao Tseu dans une image très juste : «Murs, portes et fenêtres forment la maison. Mais seul le vide de la chambre, son espace intérieur, permet d'y habiter».

La technique est au service de l'intelligence ; pas le contraire.

¹ Encyclopédia Universalis