Par Solène Davesne - Publié le
Le rapport sur la compétitivité, confié à Louis Gallois doit être remis début octobre au gouvernement. Pour Jean-Camille Uring, président du Symop, qui représente les fabricants de machines-outils français, la question de la compétitivité ne doit pas se focaliser que sur la question du coût du travail.
L'Usine Nouvelle - Le gouvernement répète que la compétitivité n’est pas qu’une question du coût du travail. Vous êtes d’accord ?
Jean-Camille Uring - C’est une position que je partage. Dans la compétitivité, il n’y a effectivement pas que le coût du travail. Tout compte et étant donné la dégradation de la conjoncture, il faudra un choc. Début 2012, le débat politique s’est énormément focalisé sur l’aspect coût du travail. Mais on ne s’interroge pas assez sur les autres composants de la compétitivité.
Quel est votre diagnostic ?
Nous avons des investissements industriels qui sont inférieurs à ceux de nos principaux concurrents. La position productive se dégrade. Nous sommes dans un pays où le coût du travail est élevé. Il faut compenser par une qualité et une flexibilité pour répondre à la demande qui soit sans reproche.
Selon une étude de COE-Rexecode, la qualité, le respect des délais et le rapport qualité-prix sont les trois critères les plus importants de la compétitivité hors-coûts. Pour atteindre cela, il faut avoir un personnel bien formé mais aussi des équipements en état de marche.
L’âge moyen du parc de machines en France est de 17 ans, alors qu’il est de 9 ans en Allemagne. Et ces chiffres datent de 1999, la dernière étude disponible, ce qui est caractéristique de l’intérêt accordé à cette question en France.
Or depuis, nous pensons que la situation s’est encore dégradée. De la même façon, en 2011 la France ne comptait que 34 000 robots, dont la moitié dans l’automobile, contre 57 000 en Allemagne.
Quelles sont vos pistes pour améliorer la compétitivité ?
Il faudrait avoir une connaissance plus précise du parc machine actuel. Ce serait utile de relancer une étude, menée par l’administration de Bercy, pour connaître l’état et les besoins de modernisations des machines depuis 1999.
Pour les PME, nous souhaitons aussi que la mise en place d’une nouvelle technologie de production soit considérée comme de l’innovation ou de la R&D et puisse pourquoi pas être couverte par une extension du crédit impôt recherche.
Enfin, toute initiative qui permet aux entreprises d’accéder au crédit bancaire doit être encouragée. Nous avons déjà rencontré les équipes d’Arnaud Montebourg et celles de Louis Gallois qui prépare un rapport sur la compétitivité. Nos propositions ont été bien reçues. Nous envoyons une note écrite à Louis Gallois cette semaine.
Créer un crédit d’impôt innovation risque de coûter cher alors que l’heure est à la rigueur budgétaire…
Tout ne viendra pas de la puissance publique. Il n’est pas question d’un nouveau plan machines-outils. Mais il faut être un peu incitatif pour les entreprises. Car aider les entreprises à moderniser leurs équipements entraîne un cercle vertueux avec un impact positif à court terme.
Un projet de mise en place de technologie de production, cela prend moins d’un an, avec des résultats qui se voient très vite sur l’activité et les marges des entreprises. Le retour sur est quasi immédiat et permet donc d’augmenter aussi les recettes fiscales collectées.
Cela fait dix ans que la France a un déficit d’investissement. Les entreprises ont compensé par des efforts sur leurs marges donc elles ne peuvent plus s’autofinancer et n’arrivent pas non plus à accéder au crédit car leurs marges sont jugées trop faible.
Il faut briser ce cercle vicieux. C’est ce que les Américains sont en train de faire. Dans l’automobile, les industriels investissent massivement pour rattraper leur retard et renouveler leurs moyens de production.
Par Solène Davesne