RAPPORT A Monsieur le Ministre du Redressement productif sur la situation de PSA Peugeot Citroen
MINISTÈRE DU REDRESSEMENT PRODUCTIF
TÉLÉDOC 792
120, RUE DE BERCY
75572 PARIS CEDEX 12
N° 2012/019/CGEIET/SG
Emmanuel SARTORIUS
ingénieur général des Mines
avec
Jacques SERRIS
ingénieur général des Mines
11 septembre 2012
SYNTHÈSE
Le groupe PSA Peugeot Citroën a annoncé le 12 juillet 2012 un projet de réorganisation qui prévoit l’arrêt des activités de production automobile sur le site d'Aulnay-sous-Bois et qui pourrait concerner 8 000 emplois.
Les raisons qui ont mené à cette situation sont à la fois conjoncturelles et structurelles.
Les raisons conjoncturelles tiennent à la dépendance de PSA au marché européen (58 % de ses ventes). Or ce dernier a traversé une grave crise en 2008 et 2009. Après une reprise en 2010 et un premier semestre 2011 plutôt bon, il a connu une grave rechute au second semestre 2011. La baisse des ventes se poursuit en 2012. Le phénomène affecte d'autant
plus PSA qu'il frappe lourdement trois de ses grands marchés, la France, l'Espagne et l'Italie, ces deux derniers pays étant de plus touchés par une crise financière. Quant aux perspectives de reprise, elles semblent encore incertaines et lointaines.
En outre, PSA est un constructeur généraliste. Les principaux segments de marché sur lesquels il est présent (segments B et C1) sont les plus concurrentiels. Le groupe, dont l'outil de production reste largement centré sur la France, se trouve pris en tenaille entre les autres constructeurs généralistes qui produisent des voitures à bas coût en Europe de l'Est et les constructeurs allemands premium (Audi, BMW, Mercedes), qui attaquent le milieu de gamme.
Pris entre des ventes qui diminuent, des surcapacités et des perspectives de reprise du marché qui s'éloignent, PSA connaît un rythme de consommation de cash opérationnel intenable
(- 954 M€ de cash-flow opérationnel au premier semestre 2012). Le groupe a annoncé le 25 juillet 2012 une perte de 819 M€ pour le premier semestre 2012.
On touche là aux raisons structurelles qui sont doubles. Tout d'abord, dans la décennie 2000, le groupe a visé un objectif de production de 4 millions de voitures par an, alors qu'il n'a jamais dépassé 3,6 millions. Son outil de production est donc surdimensionné. Par ailleurs, le groupe paye probablement aujourd'hui les conséquences de sa taille modeste (8ème
constructeur mondial), qui résulte d'une stratégie tardive de développement international, dans une économie de l'automobile qui s'est mondialisée en moins de 20 ans.
La mission observe, par ailleurs, que sur la période 1999-2011, PSA Peugeot Citroën a consacré 3,082 G€ au rachat de ses propres actions.
Le marché automobile mondial est désormais organisé en grandes zones qui tendent à l'autosuffisance : Europe, Asie, Amérique du Nord, Amérique latine. La question qui se pose est donc celle du dimensionnement de l'outil de production européen de PSA qu'il faut mettre
en regard de la mévente de ses voitures dans cette zone. Cet outil est clairement sous-utilisé (taux d'utilisation de 61,4 % en 2011).
Sur le moyen et le long terme, l'avenir de PSA passe par une stratégie d'alliance avec un grand constructeur mondial. Dans l'immédiat, PSA doit d'urgence redresser la situation. C'est l'ambition du plan que le groupe vient de présenter. Il doit aussi convaincre que son plan de
restauration de son équilibre financier est le gage d'un redressement durable.
En ce sens, la nécessité, dans son principe, d'un plan de réorganisation des activités industrielles et de réduction des effectifs n'est malheureusement pas contestable. La mission prend acte de l’engagement du président du directoire qu’il n’y aura pas de licenciement sec.
Le plan présenté par la direction de PSA le 25 juillet 2012 appelle toutefois de sa part deux remarques et plusieurs réserves.
1
Voir note 31, p. 10, pour la définition des segments.
La première remarque porte sur le fait qu'un plan tel que celui présenté par la direction de PSA ne peut pas viser uniquement à réduire les pertes en taillant dans les dépenses. Il doit aussi constituer un gage de redressement et de développement pour l'entreprise, seul à
même d'écarter, à conditions de marché constantes, la perspective d'un autre plan dans un avenir plus ou moins proche.
La seconde remarque porte sur le choix de l'usine dans laquelle le groupe compte arrêter les activités d’assemblage. La direction de PSA porte son choix sur l'arrêt d'une ligne d'assemblage, celle de l'usine d'Aulnay, choix douloureux pour la France. En revanche, elle évacue rapidement la possibilité d'arrêter son usine de Madrid, qui souffre pourtant de
nombreux défauts (usine ancienne, de faible capacité, en ville, éloignée de ses fournisseurs) et dans laquelle elle a engagé des investissements en vue d'y produire un nouveau modèle, la E3(E cube). On peut regretter que PSA n'ait pas mené, sur l’avenir de ses sites industriels, une réflexion d’ensemble qui laisserait aujourd’hui davantage d’options pour faire
face à sa situation actuelle de surcapacité et à un marché automobile européen très inférieur aux prévisions. Le dialogue social doit permettre d'apporter des précisions sur ces points.
Les réserves portent sur les modalités de mise en œuvre du plan :
• les mesures du plan doivent être limitées strictement à ce qui est nécessaire au redressement de l'entreprise ; toutes les pistes doivent être explorées, dans le cadre d'un dialogue social exemplaire mobilisant les partenaires sociaux autour de la
défense de l'emploi ;
• les modalités de suivi des agents concernés par le plan devront faire l’objet d’une attention particulière ; chacun devra faire l'objet d'un accompagnement personnalisé ; des questions pratiques comme celles du logement, des transports ou du travail du conjoint pour les agents qui accepteraient une mutation d'Aulnay à Poissy doivent trouver des solutions.
• la mission n'a pas eu d'autre information sur la revitalisation du site d'Aulnay que l'assurance que lui a donnée la direction de PSA qu'elle ne cherchait pas à y réaliser d'opération immobilière ; qu'elle voulait lui conserver son caractère industriel et que des contacts avaient été noués avec des entreprises candidates, mais qu'elle ne voulait rien annoncer prématurément ; ce point devra être approfondi ; si l'arrêt de la
ligne d'assemblage d'Aulnay était décidé, il faudrait alors démarrer ces nouvelles activités sur le site sans attendre l'arrêt de la chaîne d'assemblage (2014), de façon à en minimiser l'impact.
• l'affectation d'un nouveau modèle à Rennes et les investissements qui y sont liés doivent être garantis, comme annoncé par la direction ; compte tenu de la fragilité de son bassin d’emploi, l’avenir du site industriel de Rennes devra faire l’objet d’une attention toute particulière et s'appuyer sur des mesures de revitalisation dans lesquelles le groupe devra s'impliquer fortement.
• la réduction des effectifs de structure ne devra pas se faire à l'aveugle ; le potentiel de recherche et de développement du groupe, qui conditionne son avenir, ne devra pas être entamé.
• enfin, PSA affirme que, le volume global de production restant le même, la soustraitance ne souffrira pas du transfert de la production de la C3 d'Aulnay à Poissy ; c'est probablement vrai pour les sous-traitants de rang 1 ; il faudra le vérifier pour les sous-traitants de rang 2 ou 3, dont la situation devra être examinée de près ; l'impact de l'arrivée de salariés d'Aulnay à Poissy sur le nombre d'intérimaires sur ce site devra être approfondi ; l'avenir de la sous-traitance d'hôtellerie (gardiennage,
nettoyage, chauffage, restauration, ...) sur le site d'Aulnay, quant à lui, est lié à la revitalisation du site.
Le plan de redressement présenté par la direction de PSA doit permettre au groupe de retrouver un cash-flow opérationnel à l’équilibre en 2014. C’est aussi à cet horizon qu’on peut espérer une reprise du marché automobile européen. Dans l’intervalle, le marché automobile des pays émergents devrait continuer à progresser : si le groupe doit d’abord
consolider sa base européenne, son avenir passe par son développement à l’international.
La stratégie du groupe doit répondre à ces questions.
Malgré ses difficultés, le groupe PSA demeure un des fleurons de l'industrie française. Les deux marques Peugeot et Citroën, sont reconnues et appréciées tant en France qu'à l'étranger. Les fruits de la politique drastique que le groupe est amené à appliquer doivent bénéficier en priorité à l’entreprise. En unissant leurs efforts, tous les acteurs doivent rendre possible une résolution rapide de la crise actuelle, pour permettre un redressement durable du groupe dans l’intérêt général et dans celui des salariés.
Rapport Complet : http://proxypubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/13078.pdf
SOMMAIRE
1 Introduction............................................................................................................ 1
2 L’évolution du marché automobile ...................................................................... 3
2.1 Le marché automobile mondial ................................................................................ 3
2.2 Le marché automobile européen.............................................................................. 4
3 Une situation préoccupante ................................................................................. 7
3.1 La dépendance de PSA au marché européen.......................................................... 7
3.2 La situation financière du groupe ...........................................................................12
3.3 PSA et l'international................................................................................................13
3.3.1 Des décisions anciennes mais structurantes................................................................. 13
3.3.2 Une internationalisation timide ........................................................................................ 15
3.3.3 L'accord avec GM .............................................................................................................. 16
3.4 Le tournant stratégique récent ................................................................................16
3.5 Le contre-pied de la mi-2011....................................................................................17
4 L'outil de production européen de PSA ............................................................ 18
4.1 Une surcapacité en Europe......................................................................................18
4.2 Les moyens de production de PSA en Europe.......................................................19
4.3 Préparer l’avenir .......................................................................................................20
5 Le choix des actionnaires................................................................................... 22
6 Le plan de PSA .................................................................................................... 24
6.1 Les mesures du plan ................................................................................................24
6.2 L'arrêt des activités de production à Aulnay..........................................................24
6.2.1 Le plan de la direction....................................................................................................... 24
6.2.2 Le recours au chômage partiel ? ..................................................................................... 25
6.2.3 Arrêter la production sur un autre site qu'Aulnay ? ...................................................... 26
6.2.4 L'avenir d'Aulnay et de ses salariés ................................................................................ 26
6.3 La réduction des activités de production et d'assistance à Rennes.....................27
6.4 La réduction des effectifs de structure ...................................................................28
7 Les enjeux clés.................................................................................................... 28
7.1 Le dialogue social.....................................................................................................28
7.2 Stratégie internationale et alliance avec GM ..........................................................29
8 Conclusions préliminaires.................................................................................. 29
Annexe 1 : lettre de mission.................................................................................. 33
Annexe 2 : personnes rencontrées....................................................................... 35
Annexe 3 : acronymes ........................................................................................... 37
Annexe 4 : bibliographie........................................................................................ 39
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