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Les grandes entreprises seront-elles les garages de l’innovation de demain ?

27/9/2012


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Par Hubert Guillaud le 27/09/12 | 1 commentaire | 351 lectures | Impression

“Si vous tentez de dresser la liste des grandes entreprises qui ont lancé un changement de paradigme des innovations ces dernières décennies, vous trouverez Apple… et Apple”, ironise Anthony Scott (@ScottDAnthony), directeur pour l’Asie et le Pacifique d’Innosight, un cabinet qui conseille les plus grandes entreprises, auteur du Petit livre noir de l’innovation, dans un article intitulé “L’entreprise, le nouveau garage” publié par la Harvard Business Review (@HarvardBiz). La perception populaire veut que la plupart des entreprises sont trop grosses pour produire des innovations qui changent le jeu. Pour cela, il faut soi des entrepreneurs visionnaires à la Gates, Jobs, Zuckerberg, Page et Brin. Soit des petites entreprises agiles adossées à des sociétés de capital-risque. “Pourtant, l’inventivité d’Apple ne doit pas être considérée comme une anomalie”, estime Anthony Scott. “Elle indique un changement spectaculaire dans le monde de l’innovation. La révolution initiée par les start-ups et les sociétés de capital-risque a créé les conditions pour que les grandes entreprises aujourd’hui se mettent à libérer l’innovation qu’elles contiennent.”

Trois tendances sont à l’origine de ce changement, estime Anthony Scott. Tout d’abord, l’augmentation des coûts et la diminution de la facilité de l’innovation signifient que les start-ups sont maintenant confrontés aux mêmes pressions à court terme que celles qui ont freiné l’innovation dans les grandes entreprises. C’est-à-dire que dès qu’un jeune entrepreneur connait un peu de succès, il doit se battre contre des dizaines d’imitateurs. Ensuite, les grandes entreprises ont intégré à leurs stratégies les notions d’innovation ouverte, des processus de gestion moins hiérarchisée et ont intégré les comportements entrepreneuriaux à leurs savoir-faire. Enfin, bien que l’innovation a toujours été produite et axée sur le service, il s’agit de plus en plus de créer des modèles d’affaires qui exploitent avant tout les forces uniques de grandes entreprises.

Il est encore tôt pour être définitif, mais pour Anthony Scott, la preuve est irréfutable que nous entrons dans une nouvelle ère d’innovation, dans laquelle des individus dans l’entreprise (qu’il appelle les “catalyseurs”) utilisent les ressources de leurs sociétés (les moyens, la capacité de faire des développements à grande échelle, l’agilité) pour développer des solutions à un niveau mondial que peu de petites sociétés peuvent espérer atteindre. Ces entreprises poussent dans un territoire qui était autrefois le privilège d’entrepreneurs isolés et d’ONG.

Les 4 époques de l’innovation

Pour apprécier ces changements, Anthony Scott dresse le tableau de ce qu’il appelle les 4 époques de l’innovation. La première période d’innovation est celle de l’inventeur solitaire, allant de la presse de Gutenberg à l’ampoule d’Edison, à l’avion des frères Wright voir à la ligne d’assemblage de Ford. Avec le perfectionnement de la chaîne de montage, il y a un siècle, la complexité croissante et le coût de l’innovation, celle-ci est devenue hors de portée des individus au profit de laboratoires privés et de départements de R&D d’entreprises. La plupart des innovations remarquables des 60 années suivantes sont sorties des laboratoires : de DuPont (comme le nylon), Procter & Gamble, Loockheed… La troisième période de l’innovation est née dans les 50-60, quand les entreprises ont commencé à devenir trop grosses et trop bureaucratiques pour explorer les franges de l’innovation. Les innovateurs se sont mis à quitter les grosses entreprises pour essaimer de nouvelles entreprises avec l’aide de nouvelles formes de financements venant du capital risque commeSequoia Capital (Wikipédia), et ont donné naissance aux Apple, Microsoft, Cisco Systems, Amazon, Facebook ou Google.

“Mais la vie est devenue peu à peu difficile pour ces innovateurs dans les grandes entreprises à mesure que la demande de performance à court terme des marchés a augmenté. La mondialisation a accéléré le rythme du changement.” Au cours des 50 dernières années, l’espérance de vie des entreprises a diminué de 50 %. En 2000 le monopole de Microsoft semblait imprenable, Apple jouait en marge du marché de l’informatique, Zuckerberg était étudiant et Google était encore une technologie à la recherche d’un modèle d’affaires, rappelle le consultant.

Le rythme haletant de l’innovation, de ses conditions et de ses outils nous amène à la quatrième ère de l’innovation, quand les “catalyseurs d’entreprise peuvent avoir un impact transformationnel”.

“Alors que les inventions qui ont marqué les trois premières époques étaient généralement des percées technologiques, cette quatrième s’ouvre sur une transformation des modèles d’affaires”. Une analyse montre que de 1997 à 2007, plus de la moitié des entreprises qui étaient sur la liste des 500 premières entreprises de Fortune et de moins de 25 ans étaient des entreprises qui ont innové par leurs modèles d’affaires, comme Amazon ou Starbucks.

Comment innover dans un environnement de plus en plus concurrentiel ?

Aujourd’hui, il est plus facile que jamais d’innover, ce qui peut suggérer que c’est le moment idéal pour démarrer une entreprise, estime Anthony Scott. Les outils en ligne à faibles coûts couplés à des marchés hyperconnectés permettent de mettre les capacités d’innovation dans les mains du plus grand nombre et aux idées de se propager rapidement. Pour beaucoup de start-ups, 25 000 $ est suffisant pour lancer son business, comme le montre l’incubateur Y Combinator et ses nombreux imitateurs. Ces bailleurs de fonds à un stade précoce ont contribué au lancement de nouvelles entreprises prometteuses comme Dropbox, Airbnb, Xobni, Scribd, Hipmunk et beaucoup d’autres…

Mais étonnement, la facilité et la rapidité d’innovation qui favorisent le développement de petites sociétés, peut aussi se retourner contre elles. “Jusqu’à présent, la concurrence était moins frénétique permettant aux start-ups de disposer de quelques années pour développer un produit difficile à reproduire. Aujourd’hui, les jeunes entreprises peuvent certes jouir d’un succès rapide, mais ont peu de temps avant de devoir lutter contre leurs nombreux imitateurs.” Groupon par exemple a atteint plus rapidement que toute autre société dans l’histoire le milliard de revenus, mais des dizaines de copies sont venus le concurrencer et celles-ci sont capables de résister beaucoup plus longtemps. Groupon peut bien sûr continuer à battre ses challengers, mais l’hypercompétition associée à un raccourcissement des cycles de développement rend plus difficile que jamais la création d’un avantage concurrentiel durable pour les start-ups. “En d’autres termes, les start-ups sont de plus en plus vulnérables aux mêmes pressions du marché des capitaux qui nuisent aux grandes entreprises, et ce, avant même qu’elles aient développé leurs premiers actifs d’entreprises.”


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