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Le numérique et la distorsion du temps

2/12/2012

 

Publié le 1 décembre 2012 - Commenter - 
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J’assistais le 27 novembre 2012 à un TEDx Salon à la Gaité Lyrique dont la ligne direc­trice était “la mai­trise du temps”. Cette édition légère de TEDx était orga­ni­sée par la même équipe à l’origine de TEDx Concorde (à l’Espace Car­din, en jan­vier 2012) et TEDx Paris (à l’Olympia, en octobre 2012). Mes pho­tos de la confé­rence sont ici.

Le temps à TEDx Salon

Parmi les nom­breux inter­ve­nants de qua­lité, il y en avait deux qui trai­taient spé­ci­fi­que­ment du temps : Noël Dimarc et Vir­gi­nie Van Was­sen­hove. Je vais ici reve­nir sur ces inter­ven­tions et élar­gir le sujet sur l’impact du numé­rique dans la per­cep­tion et la ges­tion du temps. Si le numé­rique a trans­formé la société dans tous ses étages, son impact sur le temps est extrê­me­ment pro­fond et a tout un tas d’implications socio­lo­giques, mana­gé­riales et physiologiques.

Noël Dimarc, est cher­cheur au CNRS et plus pré­ci­sé­ment le direc­teur du SYRTE (acro­nyme de “Sys­tèmes de Réfé­rence Temps-Espace”), l’organisme offi­ciel qui défi­nit le temps légal pour notre pays et qui est ins­tallé à l’Observatoire de Paris près de Den­fert Roche­reau. Il nous expli­quait com­ment on mesure le temps avec pré­ci­sion et à quoi cela sert. En gros, on compte des oscil­la­tions. Aux débuts de la mesure du temps, on s’appuyait sur les cycles longs de la jour­née, puis ceux des bat­te­ments des hor­loges et on en est main­te­nant aux hor­loges ato­miques qui mesurent le temps avec une pré­ci­sions inéga­lée. A savoir que la marge d’erreur est d’une seconde toutes les quelques mil­liards d’années. Pas de quoi man­quer un rendez-vous. Noël Dimarc a à son actif la créa­tion d’horloges ato­miques embar­quées dans des sondes spa­tiales. Il fina­lise une hor­loge à “atomes froids” qui sera embar­quée en 2013 dans la sta­tion spa­tiale inter­na­tio­nale (ISS).

Noël Dimarcq (4)

En fai­sant un tout sur le site du SYRTE, on peut dis­po­ser d’informations sur les ser­veurs Inter­net de réfé­rence du temps légal fran­çais. Ces ser­veurs dif­fusent le temps légal à l’aide d’un pro­to­cole stan­dard de l’Internet : le NTP (Net­work Time Pro­to­col). Celui-ci est cou­ram­ment exploi­table par les sys­tèmes d’exploitation. J’en ai pro­fité pour syn­chro­ni­ser mon poste de tra­vail avec l’un de ces ser­veurs car mon PC sous Win­dows n’était pas tou­jours bien à l’heure.

Time Synchronization

La seconde inter­ve­nante sur le temps était Vir­gi­nie Van Was­sen­hove. Elle est direc­trice du Neu­roS­pin MEG au CEA à Saclay. MEG ? Il s’agit de “magné­toen­cé­pha­lo­gra­phie”, la tech­nique explo­ra­toire non inva­sive qui per­met de cap­ter le fonc­tion­ne­ment du cer­veau. Elle mesure les très faibles champs magné­tiques qui sont pro­duits par l’activité élec­tro­ma­gné­tique des neu­rones. Pas au niveau de chaque neu­rone, bien entendu, mais au niveau de zones dif­fé­rentes du cer­veau dont on sait grosso-modo à quoi elles servent, avec des magné­to­mètres qui mesure le champ magné­tique péri­phé­rique de la tête dans trois direc­tions (de manière per­pen­di­cu­laire à la tête, et dans la lati­tude et la lon­gi­tude). Le tout s’appuie sur une grosse cen­taine de cap­teurs que l’on place sur un casque autour de la tête.

Virginie Van Wassenhove (5)

Uti­li­sant la MEG, Vir­gi­nie explore le fonc­tion­ne­ment du cer­veau au regard de la per­cep­tion du temps, ce que l’on appelle le temps sub­jec­tif, temps perçu voire temps phy­sio­lo­gique par oppo­si­tion au temps objec­tif ou phy­sique. Et ses expé­riences ont per­mis de décou­vrir la manière dont le cer­veau gère le temps. Il dis­pose d’une sorte d’horloge interne qui lui per­met par exemple de syn­chro­ni­ser les sti­muli audi­tifs et visuels. Et le temps est géré de manière très élas­tique par notre cer­veau. Ainsi, la per­cep­tion du temps est para­doxale : il passe très vite dans une jour­née bien rem­plie et plus len­te­ment si elle est mal rem­plie ou com­pre­nant de longs temps d’attente à ne rien faire. De même, comme le sou­ligne Etienne Klein dans ce débat de Vir­gi­nie Van Was­sen­hove avec Etienne Klein pro­duit par Uni­vers­cience en 2010, le temps s’écoule plus rapi­de­ment quand on parle que lorsque l’on écoute. Ce qui explique pour­quoi je m’ennuie tant dans les confé­rences… lorsque je suis dans l’audience !

Autre per­cep­tion phy­sio­lo­gique : les jour­nées paraissent plus rapides avec l’âge car la durée d’une jour­née est per­çue rela­ti­ve­ment au temps passé depuis sa nais­sance. Et plus on vieillit, plus on per­çoit le temps de la mort qui est plus proche. Le temps s’accélère et on peut avoir envie de mieux en profiter.

Le temps chez Orange

Ce TEDx Salon était comme les pré­cé­dents TEDx Concorde et Paris orga­nisé grâce au par­te­na­riat d’Orange dont les équipes étaient venues en force avec notam­ment Del­phine Ernotte-Cunci, DG d’Orange France (ci-dessous). Et cette fois-ci, Orange était plus qu’un spon­sor car investi dans la ques­tion du temps. L’opérateur a ainsi lancé une réflexion de fond sur la mai­trise du temps dans un pro­jet inti­tulé « Le Col­lec­tif du temps ».

Compte-tenu de ce qui va suivre, on peut consi­dé­rer que c’est une dimen­sion de l’action RSE (Res­pon­sa­bi­lité Sociale et Envi­ron­ne­men­tale) de l’opérateur. En effet, le numé­rique bou­le­verse notre rela­tion au temps, pour le meilleur et pour le pire. La RSE consiste sou­vent à mon­trer que l’entreprise est consciente des pro­blèmes que l’usage de ses pro­duits et ser­vices peut engen­drer et ensuite, d’apporter des solu­tions. L’engagement d’Orange est donc logique autour de ce sujet de société.

Delphine Ernotte-Cunci

Del­phine Ernotte-Cunci l’explique dans cette inter­view dans Les Echo : “Les tech­no­lo­gies nous font gagner du temps” : “Les nou­velles tech­no­lo­gies changent notre rap­port au temps. Nous sommes dans une bipo­la­ri­sa­tion entre le temps court, celui que nous pas­sons à répondre nos cour­riels en une minute, et le temps long, néces­saire pour se pro­je­ter dans le futur. Nous avons besoin de nous réap­pro­prier notre temps. Nous sommes au début de l’histoire.”. Plus pro­saï­que­ment, le site d’Orange pro­pose des conte­nus sur la mai­trise du temps, sur la manière d’apprendre à se décon­nec­ter et même un Top 10 des appli­ca­tions pour perdre et gagner du temps.

Le numé­rique et le temps

C’est en fait un thème que j’observe depuis des années et qui fait d’ailleurs l’objet de confé­rences que je donne chez cer­tains clients qui se posent la ques­tion de l’impact du numé­rique sur la ges­tion de la rela­tion client. Celle-ci est notam­ment pro­fon­dé­ment affec­tée par la trans­for­ma­tion de la per­cep­tion du temps géné­rée par les nou­veaux usages numériques.

D’un manière géné­rale, ces usages ont eu comme consé­quence d’accélérer la per­cep­tion du temps. En gros, tout va plus vite. On fait de plus en plus de choses plus rapi­de­ment, on attend moins et on sup­porte de moins en moins d’attendre, et aussi, on rem­plit le temps plus faci­le­ment. Le busi­ness va plus vite. La publi­ca­tion de conte­nus est bien plus rapide qu’avant. L’information cir­cule beau­coup plus vite.

Fai­sons un petit tour de ces phénomènes :

La mes­sa­ge­rie élec­tro­nique a été l’un des pre­miers outils chan­geant pro­fon­dé­ment notre rela­tion au temps. On est passé du mémo papier envoyé par cour­rier interne à aux mails internes et externes. Mal­gré son asyn­chro­nisme, l’usage déve­loppé du mail a ten­dance à rendre les tâches plus syn­chrones qu’avant. La mes­sa­ge­rie élec­tro­nique a déclen­ché plu­sieurs phé­no­mènes tels que le mul­ti­tas­king, les inter­rup­tions per­ma­nentes tout comme le mélange entre vie pri­vée et vie pro­fes­sion­nelle. Le mail, c’est l’assurance d’avoir l’impression de n’avoir rien fait alors que l’on a pour­tant tant fait par rap­port à ce que l’on fai­sait “avant le mail”.

L’asynchronisme du mail est une forme de pro­tec­tion contre l’urgence. Mais on ne tolère pas d’attendre trop long­temps une réponse. D’où l’émergence des outils dits de mes­sa­ge­rie ins­tan­ta­née et autres chat. Ils sont main­te­nant omni­pré­sents : qu’ils soient inté­grés dans les réseaux sociaux tels que Face­book, dans la fonc­tion SMS de nos mobiles ou comme outil à part comme avec Google Talk ou Skype et le Mes­sen­ger de Micro­soft. Chez les plus jeunes uti­li­sa­teurs, ces outils de com­mu­ni­ca­tion ins­tan­ta­née ont ten­dance à éclip­ser les outils de com­mu­ni­ca­tion syn­chrone. Cela a même conduit cer­tains tels que Thierry Bre­ton chez ATOS à vou­loir se débar­ras­ser de la mes­sa­ge­rie électronique.

La mes­sa­ge­rie élec­tro­nique a aussi entrainé une évolu­tion des pra­tiques mana­gé­riales. En plein, cela décloi­sonne les équipes et per­met une com­mu­ni­ca­tion plus large et directe dans les orga­ni­sa­tions et entre elles. En creux, cela créé une pres­sion per­ma­nente qui génère son lot de stress. Le mail rend tout urgent. Com­bien de fois ne reçoit-on pas de mails avec le titre “URGENT” pour des choses bien futiles ?

Le mail per­met certes d’aller plus vite mais comme tout déver­soir d’informations, il génère sa propre pol­lu­tion : le spam. Mais dans les entre­prises, le vrai spam ne vient pas de l’extérieur. Il vient de l’interne ! Entre le flot de spam com­mer­ciaux que l’on efface rapi­de­ment et le flot de mails internes déclen­cheurs d’actions en tout genre, il n’y a pas photo ! Cela a même généré de nou­velles formes de har­cè­le­ment moral. On ne compte plus les témoi­gnages au sujet de mana­gers qui arrosent leurs équipes de mails et sol­li­ci­ta­tions per­ma­nentes y com­pris à des heures et jours indus. La dis­po­ni­bi­lité des uns et des autres devient permanente.

Bruno Patino et Nathalie Kosciusko-Morizet (1)

Le mail a généré son phé­no­mène d’accoutumance : rares sont ceux qui échappent à la consul­ta­tion com­pul­sive de son mail à tout bout de champs, y com­pris dans les tables rondes de confé­rences (ci-dessus, Bruno Patino et Natha­lie Kosciusko-Morizet pen­dant un débat aux Uni­ver­si­tés d’Eté du MEDEF en 2009). Les vraies vacances phy­sio­lo­giques deviennent ainsi des périodes où l’on se coupe du numé­rique et en par­ti­cu­lier de la pres­sion per­ma­nente du mail.

Les moteurs de recherche ont apporté une seconde trans­for­ma­tion : la capa­cité à trou­ver quelque chose très rapi­de­ment. Même si ces moteurs sont encore impar­faits, ils ont tout de même com­plè­te­ment trans­formé notre rela­tion à l’information. L’instantanéité d’une réponse de Google Search a aussi trans­formé notre rela­tion au temps. Elle a rac­courci notre temps d’attente de réfé­rence à quelques dizaines de millisecondes.

La consé­quence est qu’en tant que citoyens, consom­ma­teurs ou actifs, nous sommes main­te­nant pres­sés et exi­geants. On sait par la mesure que les inter­nautes ne sup­portent pas d’attendre l’affichage d’une page d’un site web et que plus l’attente est longue, moins il achè­tera s’il s’agit d’un site de vente en ligne ! Une grande par­tie des amé­lio­ra­tions de la rela­tion client passent par l’optimisation du temps et sa pré­dic­ti­bi­lité. Il en va ainsi de l’indication du temps d’attente dans les trans­ports en com­mun ou dans les files d’attente. Les bureaux de poste ont été trans­for­més avec de nom­breux endroits spé­cia­li­sés (pour tim­brer une lettre, récu­pé­rer un recom­mandé, etc) qui ont servi à réduire le temps d’attente. La banque en ligne relève de la même démarche. Dans le métro à Tokyo (ci-dessous), l’indication prin­ci­pale sur les lignes est le temps de par­cours jusqu’à chaque sta­tion. Le temps importe plus que la distance !

Métro (18)

Le com­merce en ligne est un cas inté­res­sant et un peu para­doxal de notre rela­tion au temps au regard des exemples pré­cé­dents. D’un côté, on est prêt à attendre un peu plus pour dis­po­ser d’un pro­duit dont on a envie. En échange de quoi ? D’un prix en géné­ral plus attrac­tif et sur­tout d’un choix plus large que ce que l’on trouve habi­tuel­le­ment dans le com­merce de détail. C’est moins de temps passé au prix d’un peu plus de temps à attendre. Mais les e-commerçants se font fort de nous vendre du gain de temps dans l’attente, avec des frais de livrai­son qui aug­mentent avec sa rapi­dité. On peut main­te­nant être livré en 24 heures dans cer­tains cas si on est prêt à en payer le prix. Et si l’on est vrai­ment très pressé, on va cher­cher son pro­duit direc­te­ment en maga­sin, comme avec les Auchan Drive ou le retrait de pro­duits dans les stocks chez Grosbill.

Amazon Livraison 24 heures

Les réseaux sociaux ont trans­formé la rela­tion entre per­sonnes mais aussi au temps. Une time­line Face­book ou Twit­ter ne sert pas à quelque chose de pré­cis et pré­dé­ter­miné puisque l’on ne sait pas à l’avance ce que l’on va y trou­ver. Les réseaux sociaux sont deve­nus des outils à rem­plir le temps. On s’en sert dans les trans­ports, chez soi … et aussi au tra­vail. Vous vous ennuyez dans une réunion et la 3G ou le Wi-Fi sont dis­po­nibles, hop, un tour dans Face­book ou Twit­ter et le temps passe plus vite. Au lieu de lire un livre… ! En plus, sur une tablette, c’est encore plus dis­cret que lorsque l’on est der­rière l’écran de son laptop.

L’échelle de pré­sen­ta­tion est le temps : la Time­line de Face­book qui remonte si vous le sou­hai­tez à votre nais­sance, mise en abime qui rap­pelle celle de la pro­vo­cante publi­cité anglaise de la XBOX en 2002 (“Time is short, play more”). Et celle de Twit­ter qui est temps réel au point que si vous sui­vez beau­coup de monde, vous n’avez accès en pra­tique qu’à une petite fenêtre de temps du bruit qu’ils ont généré. Ces réseaux sociaux ont en quelque sorte tué l’ennui au pre­mier degré. Pour­tant, s’est-on moins ennuyé après avoir par­couru des kilo­mètres de time­line de Face­book ? Pas évident ! Lebruit d’informations inutiles y est pré­do­mi­nant et c’est le gage de sa séren­di­pité qui nous le fait supporter.

La com­pres­sion de l’échelle du temps liée aux réseaux sociaux a aussi per­mis l’accélération de la pré­pa­ra­tion de mani­fes­ta­tions (flash mob), du lob­bying (cf l’affaire des pigeons) comme des révo­lu­tions (prin­temps arabes). Les gou­rous en social média recom­mandent aux marques d’être pré­sentes dans les réseaux sociaux pour “enga­ger les consom­ma­teurs”. Mais comme tout le monde y est, elles sont noyées dans la masse et le flux des mes­sages qui inondent vos time­lines. Et les marques manquent de temps ! C’est bien le tout d’engager le consom­ma­teur, mais si il n’y a pas assez de monde pour s’en occu­per dans les entre­prises, on est plus dans la sym­bo­lique de l’engagement que dans sa géné­ra­li­sa­tion. Ou alors, on laisse le consom­ma­teur “s’engager”, mais l’entreprise ne s’engage pas tant que cela ! la dif­fé­rence est grande entre avoir un com­mu­nity mana­ger et être une entre­prise glo­ba­le­ment orien­tée client.

Bestof Olivier Ezratty (29)

Dans la lignée des réseaux sociaux, les smart­phones et tablettes ont eux aussi contri­bué à trans­for­mer notre rela­tion au temps. On les uti­lise là où avant on ne savait que faire : debout dans les trans­ports en com­mun, dans une salle d’attente quel­conque, dans une réunion ennuyeuse, etc. Ce sont des outils qui servent à tuer le temps ! Et qui servent à tout le reste, per­met­tant d’être en per­ma­nence en contact avec les uns et les autres et d’accomplir plus de tâches en paral­lèle qu’auparavant. Par contre, le temps uti­li­sa­teur capté par les tablettes a une consé­quence indi­recte : on passe plus de temps à com­mu­ni­quer et à consom­mer des conte­nus qu’à en créer. L’ordinateur per­son­nel est consi­déré comme has-been, la créa­tion avec. Un phé­no­mène qui avait démarré avant l’arrivée des tablettes quand toute une géné­ra­tion de blog­geurs du milieu des années 2000 a arrêté d’écrire pour dépor­ter son éner­gie sur les réseaux sociaux et notam­ment sur Twit­ter. Le paraitre en direct comme dans le Live Twee­ting d’événements est devenu plus impor­tant que le paraitre en dif­féré, avec le recul. La grande lon­gueur de mes articles est d’ailleurs une forme de réac­tion extrême à ce phé­no­mène. Et si les rela­tions sociales ont béné­fi­cié de tous ces outils, pour une grande part de nos contacts, elles res­tent bien super­fi­cielles. Dif­fi­cile d’avoir en la matière à la fois du volume et de la qualité !

Le numé­rique a com­primé le temps au point que notre capa­cité d’attention s’est réduite. Ce fameux syn­drome de l’ADD (Atten­tion Defi­cit Disor­der) ne concerne pas que les enfants. Même si ces der­niers donnent de plus en plus de fil à retordre aux ensei­gnants qui doivent plus qu’avant déployer des tré­sors de péda­go­gie pour cap­ti­ver leurs élèves pen­dant un cours d’une heure. Il en va aussi des confé­rences : une inter­ven­tion d’une demi-heure est de plus en plus dif­fi­cile à faire pas­ser ! Les for­mats adop­tés s’appuient sur des cré­neaux plus courts comme avec TEDx en France et ses talks de 12 minutes. C’est aussi vrai de LeWeb dont l’édition 2012 démarre la semaine pro­chaine, avec une alter­nance d’interventions de 10 à 20 minutes maxi­mum et de tables rondes d’une demi-heure. Et les confé­rences sont plus vivantes lorsqu’elles sont agré­men­tées de vidéos et démons­tra­tions. Les méthodes d’organisation des confé­rences ont évolué à l’instar des tech­niques de mon­tage de clips musi­caux qui ont influencé l’écriture ciné­ma­to­gra­phique ! Il n’en reste pas moins que les bons inter­ve­nants se dis­tinguent le plus sou­vent grâce à des méthodes ances­trales : un bon story tel­ling et la capa­cité à surprendre !

Sharp (2)

La télé­vi­sion a aussi tra­versé et subi ces évolu­tions de la rela­tion au temps. You­Tube est ainsi plus popu­laire que la TV clas­sique chez les plus jeunes. Les for­mats des vidéos y sont plus courts. On est content sur Inter­net quand une vidéo a été regar­dée plus de 3 minutes alors qu’à la TV, le repère de réfé­rence est plu­tôt l’heure. Les fameuses 13 chaines TV que You­Tube a lan­cées en France sont en fait des col­lec­tions de vidéos courtes ! L’information nous est tel­le­ment déver­sée en continu que cela remet en cause le for­mat même des jour­naux télé­vi­sés qui doivent encore plus qu’avant appor­ter une valeur ajou­tée à ce que l’on sait déjà des grands événements.

On consomme aussi la TV où l’on veut et quand on le veut. D’où la forte crois­sance de consom­ma­tion de télé­vi­sion dite de rat­tra­page, une ter­mi­no­lo­gie séman­ti­que­ment lourde avec le sous-entendu du retard. Mais le rat­tra­page, sur­tout avec un PVR (enre­gis­treur à disque dur) per­met de voir plus de choses en moins de temps. On zappe la pub et ce qui n’est pas inté­res­sant. Le temps véri­ta­ble­ment utile de la consom­ma­tion télé­vi­suelle aug­mente en consé­quence. Mais là comme avec tous les conte­nus dis­po­nibles sur la toile, c’est l’hyperchoix qui domine et il conduit à la frus­tra­tion de ne pas avoir assez de temps pour en pro­fi­ter. Un peu comme le pirate qui amon­celle des To de musiques et films mais n’a pas assez de temps dans la vie pour en profiter !

D’autres s’évertuent à mettre en œuvre des outils de recom­man­da­tion pour vous pro­po­ser la vidéo que vous allez aimer dans votre ser­vice de VOD. Tous ces outils nous per­mettent de mieux rem­plir notre temps. Il est moins jus­ti­fié de dire comme avant “qu’il n’y a rien à la télé” car l’offre y est main­te­nant tel­le­ment abon­dante que l’on y trouve tou­jours de quoi s’occuper. Encore faut-il avoir besoin de s’occuper ainsi !

Le zap­ping à la TV s’est certes déve­loppé avant le numé­rique mais il s’est ampli­fié depuis. On ne zappe plus seule­ment entre chaines TV, on zappe main­te­nant entre écrans pour en regar­der deux voire trois en même temps. Le live a même repris du poil de la bête avec les conver­sa­tions dans les réseaux sociaux. En prime time, elles repré­sentent jusqu’à la moi­tié du tra­fic de Twit­ter. Le volume  de ces conver­sa­tions semble tou­te­fois inver­se­ment pro­por­tion­nel à la qua­lité des conte­nus : elles sont plus denses sur les émis­sions de TV réa­lité et les débats poli­tiques que dans les fictions…

On accepte tout de même les longues attentes…

Grand Palais (queue pour expo Edward Hopper)

Mal­gré tous ces outils qui accé­lèrent notre vie dans des pro­por­tions un peu dingues, on tolère pour­tant d’attendre cer­taines choses assez long­temps. La tolé­rance à l’attente reste donc à géo­mé­trie variable, ce qui est presque rassurant !

Il en va ainsi des légen­daires files d’attente chez Dis­ney­land. Qui n’a pas attendu avec ses enfants jusqu’à deux heures pour pas­ser trois petites minutes dans le Petit Train dans la Mine ? Dans le pire que pire, la file d’attente d’une expo­si­tion comme celle d’Edward Hop­per au Grand Palais, si vous n’avez pas de billet coupe-file. Je l’ai fait en famille il y a un mois pen­dant presque trois heures et c’était bien long mal­gré la com­pa­gnie. La file d’attente était d’une lon­gueur défiant l’entendement : cer­tains ont pro­ba­ble­ment dû attendre plus de huit heures pour ren­trer dans l’exposition (ci-dessus). Dans le froid et sous la pluie !

A Shan­ghai, c’était aussi le temps d’attente “nor­mal” pour visi­ter les pavillons des grands pays lors de l’exposition uni­ver­selle de 2010 (ci-dessous, l’immense pavillon de la Corée du Sud).

Il y a aussi ceux qui vont attendre des heures voire des jours devant un Apple Store avant la sor­tie du der­nier jou­jou à pomme du moment. Comme avec ces films font la sor­tie est annon­cée un an à l’avance ! C’est une ins­tru­men­ta­li­sa­tion par­faite de l’attente !

Pavillon Corée du Sud (5)

Bon, avec tout ça, il nous reste à réap­prendre à rêver et à flâner !

http://www.oezratty.net/wordpress/


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