ENTRETIEN A l’heure où se tient à Nantes ces 13 et 14 décembre, le colloque national sur l’éolien organisé par le Syndicat des énergies renouvelables (SER), Jean-Louis Bal, son président revient pour L’Usine Nouvelle sur les défis qui attendent la filière.
L'Usine Nouvelle - Le SER n’a pas été convié au Conseil national du débat sur la transition énergétique, comment allez-vous faire entendre votre voix ?
Jean-Louis Bal - Nous restons en contacts fréquents avec le cabinet de Delphine Batho, qui m’a encore dit hier qu’elle allait trouver une solution. Je n’en sais pas plus pour le moment. A la Conférence environnementale, nous avions été invités par le gouvernement. Pour le débat sur la transition énergétique, le ministère a décidé de revenir à un format Grenelle avec les cinq collèges auxquels s’ajoute celui des parlementaire. Le collège des entreprises est représenté par le Medef, qui n’a pas jugé bon de nous inclure. En dehors de ce conseil national, il y aura un comité de liaison avec les entreprises de l’énergie auquel nous sommes en revanche déjà sûrs de participer. Mais cela ne nous semble pas suffisant.
Plusieurs leaders européens, à l’image de Vestas ou Gamesa, sont en pleine restructuration. Les fabricants chinois d’éoliennes sont en train de détrôner les européens au top 10 mondial. L’industrie européenne connaîtrait-elle le même sort que celle du panneau photovoltaïque ?
La situation est différente. La crise de l’industrie éolienne est due à un plafonnement du marché en Europe. L’industrie européenne doit donc vivre essentiellement sur le marché européen car les matériels sont très lourds et encombrants à transporter. A l’inverse, le marché du photovoltaïque continue à se développer. Le marché allemand va sûrement à nouveau battre son record et dépasser les 7 000 mégawatts.
Le problème du photovoltaïque est l’excédent de capacités de production, dû aux investissements qui ont été faits en Chine ces trois dernières années. Dans l’éolien, les fabricants chinois desservent essentiellement leur marché local car, contrairement aux panneaux, les éoliennes sont très coûteuses à transporter. En revanche, il est vrai que les fabricants chinois se retrouvent en compétition avec Vestas ou Nordex sur certains marchés.
Travaillez-vous à la création d’une filière européenne pour affronter la concurrence ?
Si l’on veut atteindre les objectifs du Grenelle, la France doit installer 1 500 mégawatts par an dans les prochaines années. Avec un marché de ce type, il est sûrement possible d’installer plusieurs unités de production sur le territoire français. L’allemand Enercon, qui a déjà installé une usine de mâts à Compiègne, pourrait tout à fait avoir une autre unité de fabrication en France. Ils l’ont déjà fait au Portugal. Cependant, il faut que le marché soit stabilisé. Les évolutions réglementaires qui ont frappé le marché ne favorisent pas l’investissement.
Actuellement, il n’y a aucun nouveau projet de construction d’usine en France dans l’éolien terrestre ?
Non. Tant qu’il n’y a pas de conditions de développement du marché pérennes et stables, il n’est pas la peine d’en discuter. Une fois que la confiance des investisseurs sera rétablie, il sera possible d’élaborer un projet industriel avec des entreprises comme Alstom, Enercon, Nordex ou d’autres.
Quelles sont les conditions pour redynamiser la filière éolienne française ?
La question la plus cruciale concerne la sécurisation des tarifs de rachat de l’électricité. Tant qu’on ne sera pas sorti de ce recours en Conseil d’Etat (l’association "Vent de colère" a déposé un recours devant le Conseil d'Etat pour demander l’annulation de l'arrêté tarifaire de novembre 2008, ndlr), toutes les simplifications règlementaires ne changeront pas grand chose. Ensuite, il faut mettre en place les mesures de simplification annoncées.
Nous avons bon espoir qu’elles aboutissent. Restera toujours le problème des recours abusifs. En 2011, il y avait 42% de taux de recours sur les permis de construire de parcs. Ils n’ont comme objectif que de retarder la procédure et, comme les tribunaux administratifs sont débordés, cela ajoute facilement deux ans à la durée de réalisation d’un parc.
Est-ce que l’avenir de l’éolien en France ne repose finalement plus que sur l’offshore ?
Il y a de belles perspectives sur l’offshore mais les premières réalisations n’arriveront que dans trois ou quatre ans. L’enjeu pour l’éolien est de continuer le processus lancé sur l’offshore en continuant les appels d’offre. Nous attendons d’ailleurs le second (selon Delphine Batho, le cahier des charges devrait être envoyé dans les prochains jours à la Commission de régulation de l’énergie qui doit donner son avis, ndlr). Il faut aussi continuer à travailler sur le troisième appel d’offre, que l’on pourrait imaginer lancer fin 2013. Pour cela il faut identifier des zones. Et pour l’éolien terrestre il ne faut surtout pas baisser la garde.
Quels sont aujourd’hui les enjeux technologiques ?
Il y a encore de nombreux enjeux d’innovation sur les éoliennes, y compris terrestres, en termes de performance, de rendements de conversion mais aussi de nouveaux concepts. Un des grands obstacles aujourd’hui est que les éoliennes perturbent les radars météo et de l’armée. Rien qu’en France, il y entre 3000 et 4000 mégawatts de projets qui sont aujourd’hui bloqués à cause de cela. Avoir des éoliennes avec une signature réduite, voire nulle, est un véritable enjeu. Des travaux sont en cours notamment chez EADS.
Estimez-vous être suffisamment soutenus par les pouvoirs publics ?
Le processus ne va pas assez vite. Nous demandons des mesures d’urgence depuis six mois. Passer par la loi est compliquée : personne ne pouvait prévoir ce qui allait arriver sur la proposition de loi Brottes. L’administration n’est en pas responsable.
Propos recueillis par Camille Chandès