Iconomie. n.f. néologisme inventé par les économistes de l’institut Xerfi, pour décrire une économie de l’industrie « servicielle », de l’intelligence partagée, de l’information, de l’imagination, de l’innovation… et du numérique.
Je ne sais pas si le néologisme « iconomie » a un grand avenir. En revanche, les idées qu’il porte méritent d’être étudiées et surtout de passer d’une phase conceptuelle – voilà ce qu’il faut faire pour réindustrialiser la France et la rendre compétitive – à une phase opérationnelle – comment opérer ce passage – qui n’a rien d’une promenade de santé. On va le voir.
Passons sur le constat français : désindustrialisation dramatique, manque d’investissements industriels, notamment en robotique, manque d’investissements privés en R&D, manque d’ETI, maltraitance des sous-traitants par leur donneur d’ordre lancé dans une chasse aux coûts acharnée pour servir un consommateur roi… du moins cible de toutes les politiques économiques depuis des années. Or la relance par la consommation a prouvé ses limites. Il est temps de penser autrement… de passer de l’économie à l’iconomie, comme le préconisent les économistes de l’institut Xerfi.
« Il faut d’abord réviser nos modes de penser et d’action », avance Laurent Faibis, président du groupe Xerfi, cabinet d’études économiques et de conseil. Mais selon lui, la solution à la réindustrialisation n’est pas dans l’émergence d’un nouveau secteur miracle, mais dans une industrie « servicielle », ou le produit sera conçu avec le service. « L’iconomie propose un pilotage par l’aval au plus proche du consommateur. La production manufacturière n’étant plus qu’en position de sous-traitance », explique-t-il. Voilà les industriels prévenus.
Bon en clair, on ne vend plus des pneus, mais des kilomètres, comme le propose déjà Michelin. L’idée étant de généraliser le concept.
Mais pas de service, sans informatique… pardon, « système d’information ». Or les dirigeants français seraient particulièrement rétifs à l’idée que l’informatique n’est pas centre de coût, mais un outil indispensable d’innovation. Or les nouveaux services associés au produit, sont ou auront tous une large composante numérique. Avec toute l’agilité que cela permet en termes de rapidité de co-développement avec les clients, de tests itératifs, de codesign, d’utilisation de la puissance de la multitude et… de prise de risque ! Clairement pas dans la culture de nos élites. Le chemin est escarpé, vous dis-je.
« Il faut surtout se mettre en condition d’innover en continue, pas une seule fois » prévient aussi Philippe Moati, professeur à l’université Paris-Diderot et co-président de l’Observatoire Société et consommation (l’Obsoco), lors de la première conférence « Iconomie » de Xerfi, qui se tenue le 19 septembre à Paris. Pour innover en continue il faut mobiliser le « cerveau d’œuvre » (Vs la main d’œuvre). Avec l’industrie servicielle, c’est l’autre grand concept de l’iconomie. Seulement, pour mobiliser ces cerveaux d’œuvre, cette agilité intellectuelle et créative des salariés, partenaires, clients, il faut changer les organisations, les rendre plus horizontales. Là, clairement, c’est l’inconnu.
Non seulement, il faut que les dirigeants d’entreprises intègrent le numérique dans leur réflexion, comme une seconde nature, mais en plus, il faut qu’ils cassent la hiérarchie dans leur entreprise et décloisonnent leur activité pour interagir avec d’autres secteurs, d’autres modes, d’autres territoires. Fini les filières ! Et fini la transaction commerciale. Avec les clients, on passe à une relation de long terme, en lui proposant un service, plus un produit. Une révolution.
Bien sûr, pour y arriver, il faut aussi et d’abord changer la formation. « Ce ne sont plus les mêmes profils ni les mêmes compétences qui sont nécessaires », rappelle Jean-Pierre Corniou, ex DSI de Renault et DGA de Sia Conseil. Selon lui, il faudra aussi apprendre aux jeunes à gérer une carrière qui n’aura plus rien de linéaire. C’est donc à l’éducation nationale qu’il faut s’attaquer. Bon courage.
Et pour clore le tout. Impossible de penser y arriver seul. L’avenir est dans les réseaux entre entreprises d’un même territoire, d’une même région. D’ailleurs, pour Christian St Etienne, économiste professeur au Cnam, pour aider en cela, il faut un État stratège, mais qui confie le pouvoir coordonné… aux Régions… histoire de « contourner l’Europe ».
Finalement, on voit bien, comme le rappelle Philippe Moati, « que l’on ne peut pas réduire le problème du redressement productif à un problème de coût du travail, au risque de raté le passage à un capitalisme de l’immatériel, » à l’iconomie.
Bon, voilà tracée la route. Maintenant, comment on l’emprunte ?
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