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L'Expansion.com - publié le 20/11/2012 à 07:21, mis à jour à 09:57
Après Standard and Poor's en janvier dernier, c'est au tour de Moody's de retirer à la France son sacro-saint triple A. L'agence d'évaluation financière a abaissé lundi 19 novembre d'un cran la note de la dette de long terme de la France, de AAA à Aa1. La France perd ainsi officiellement son "trésor national", selon la formule d'Alain Minc. Pire: cette dégradation est assortie d'une perspective négative, ce qui signifie que la note de la France pourrait à nouveau être abaissée à moyen terme.
La dégradation par Standard and Poor's avait sonné comme un coup de semonce pour l'ancienne majorité. Nicolas Sarkozy avait dû l'assumer face aux critiques de la gauche pendant la campagne présidentielle. La décision de Moody's est-elle une sanction de la politique de l'actuel gouvernement? "C'est une sanction de la gestion du passé qui nous incite à mettre en oeuvre rapidement nos réformes", a réagi hier soir le ministre de l'Economie Pierre Moscovici. C'est vrai. Mais c'est aussi, et surtout, un sérieux avertissement pour l'avenir.
Une épée de Damoclès depuis le mois de févrierSi elle n'a pas imité immédiatement sa consoeur américaine, Moody's a toutefois rapidement averti la France qu'elle pourrait le faire en plaçant sa note sous surveillance négative dès le mois de février. Le 25 mai, donc après l'élection présidentielle, elle annonçait le maintien de cette notation pour se donner le temps d'évaluer la politique du nouvel exécutif. Et depuis quelques semaines, la rumeur de la décision prochaine de Moody's, et celle d'une probable dégradation, bruissait sur les marchés. Le triple A de la France était en effet considéré par certains opérateurs comme une anomalie. Ce que des hommes politiques ou des journaux étrangers ont exprimé spectaculairement, à l'instar de l'ancien chancelier Schroeder ou de l'hebdomadaire britannique The Economist. Les justifications mises en avant par Moody's n'ont rien de nouvelles. Elles étaient toutes contenues dans les avertissements précédents.
Raison n°1: la perte de compétitivité de la FrancePour l'agence, sa décision s'explique en effet d'abord par la perte de compétitivité de notre pays observée depuis plusieurs années. Perte de compétitivité prix, mais pas seulement. Elle insiste en effet autant sur les rigidités du marché du travail que sur le coût du travail. Elle met ainsi en cause la prééminence d'un CDI trop protecteur, les contraintes et les l'incertitudes légales lié au licenciement économique, et le niveau élevé des charges sociales. Mais elle dénonce aussi la trop forte régulation du marché des services, la faiblesse de l'innovation et la désindustrialisation. Face à la dégradation de la compétitivité prix, Moody's relève toutefois que celle-ci pose d'autant plus de problèmes que la France, membre de la zone euro, ne dispose pas de l'arme de la dévaluation... à la différence par exemple du Royaume-Uni. L'avis de l'agence tient compte des récentes annonces du gouvernement sur la compétitivité. Mais elle considère que "ces mesures à elles seules ne vont probablement pas assez loin pour restaurer la compétitivité du pays" A l'appui de sa prudence, elle souligne que dans ce domaine "le bilan des gouvernements français successifs au cours des deux dernières décennies a été maigre"
Raison n°2: des objectifs budgétaires intenablesMoody's approuve les objectifs de réduction du déficit budgétaire pris par la France jusqu'à l'horizon 2017. Mais, comme beaucoup, elle ne les croit pas tenables car elle considère que les hypothèses de croissance du gouvernement - +0,8% en 2013 et +2% en 2014 - sont trop optimistes. Le chômage élevé et les hausses d'impôts pèseront sur la consommation. Et la crise de la zone euro va plomber la demande extérieure. Ce qui devrait déboucher sur de nouveaux dérapages budgétaires et donc des mesures d'austérité supplémentaires. Elle justifie là encore le fait de ne pas prendre les promesses de l'exécutif actuel pour argent comptant en évoquant à nouveau "le bilan des gouvernements successifs dans la mise en oeuvre de mesures de consolidation budgétaire".
Raison n°3: l'exposition de la France à des chocs futurs de la zone euroMoody's admet qu'il est de plus en plus difficile d'évaluer la capacité de résistance (elle emploie le terme de résilience) de la France à des nouveaux chocs auxquels serait confrontée la zone euro. Elle décrit donc ici une sorte de scénario noir. Mais elle s'inquiète en clair des conséquences d'une crise de la dette qui ferait exploser l'Italie et l'Espagne. Deux pays vis à vis desquels la France est exposée "de façon disproportionnée" en raison des liens commerciaux, de la présence bancaire directe via des filiales mais aussi de la détention de dette souveraine. Car l'Etat français pourrait subir de lourdes pertes. Il s'est en effet porté garant de certains établissements bancaires hexagonaux en difficulté comme Dexia. Et il est aussi garant des achats de dette souveraine des différents fonds de secours européens (FESF et MES). Si l'on y ajoute la dégradation économique générale qu'une telle crise impliquerait et les tensions budgétaires qui en résulteraient, il est probable que les taux d'intérêt de la France augmenteraient, ce qui la rendrait vulnérable à son tour à la crise de la dette. Or le pare-feu mis en place n'aurait vraisemblablement plus de moyens pour aider notre pays. Lequel ne pourrait pas se tourner vers la Banque centrale européenne, à la différence, là encore du Royaume-Uni ou des Etats-Unis.
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