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J'ai été surpris moi-même de l'impact de mon rapport, qui n'était pas dû à sa qualité puisque tous les médias en parlaient avant de connaître son contenu ! Je crois qu'il est arrivé à un moment charnière et qu'il a servi de déclencheur à un vrai débat sur la compétitivité. Tout le monde savait que mon diagnostic serait sombre. Cela a conduit le gouvernement à prendre des décisions très fortes, très vite, et en ce sens, il consolide la prise de conscience. Nous ne sommes qu'au début d'un processus. La reconquête prendra du temps, ne nous faisons pas d'illusion. Sans mobilisation collective, il ne se passera rien.
Sur l'allègement de prélèvements des entreprises, il a raison. "Mon" allègement de charges de 20 milliards était brut, mais il aurait sans doute généré davantage de bénéfices, fiscalisés ensuite, et donc l'allégement net aurait été un peu inférieur. Avec le crédit d'impôt, c'est 20 milliards net.
Je me suis focalisé sur l'effet compétitivité et sur l'industrie, le gouvernement y a ajouté un effet emploi, plus important sur les bas salaires, ce que je peux comprendre. Un autre atout du crédit d'impôt est qu'il permet d'éviter un accroissement de la pression fiscale en 2013, alors que les entreprises intégreront la mesure dès l'an prochain dans leurs comptes.
Non, c'est une étape importante, très significative, qui doit permettre de stopper la glissade, mais cela ne règle pas le problème des cotisations sur le travail, qui vont continuer de financer très largement la protection sociale. Une concertation avec les partenaires sociaux est engagée sur ce thème. A terme, les dépenses relevant de la solidarité (famille, une partie de la maladie) devront être financées par l'impôt.
Sans doute mais la clef, c'est d'assurer de la visibilité aux entreprises ; le Premier ministre a été très clair sur le fait que les engagements du gouvernement ne seraient pas remis en cause pendant le quinquennat. Il faut les mettre en oeuvre au plus vite dans les textes et en faire la pédagogie auprès des Français.
Laissons le débat parlementaire avoir lieu. Mais attention : les dispositifs de conditionnalité sont difficiles à mettre en oeuvre et peuvent avoir des effets contre-productifs. Il est prévu d'associer davantage les syndicats dans les conseils d'administration, et les chefs d'entreprises devront dire devant le CE comment ils ont utilisé le crédit d'impôt. Il ne leur sera pas facile de dire que l'argent a été affecté à la distribution de dividendes... J'ai par ailleurs proposé que les bénéfices réinvestis donnent droit à un avantage fiscal financé par la taxation accrue des rachats d'actions.
A ce stade, cela ne figure pas dans les 35 décisions, mais je ne désespère pas.
Si l'on s'y met sérieusement, trouver 10 milliards d'économies est parfaitement atteignable. Du côté de la fiscalité écologique, la France est en retard et il y a donc des marges de manoeuvre. Mais il faut prendre garde de choisir les bons outils. Opter pour une taxe carbone reviendrait forcément à pénaliser les entreprises ! A titre personnel, j'estime qu'on ne pourra pas s'exonérer d'un débat sur le prix du diesel.
Le faible coût de l'énergie est un atout pour l'industrie qu'il faut impérativement préserver. La transition énergétique qui s'engage ne doit pas entraîner de surcoûts pour les entreprises. En proposant de mener les recherches de techniques d'exploitation, j'ai essayé de rouvrir le dossier en passant par la fenêtre ! La France ne doit pas refermer ce dossier sans examen. Aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, en Allemagne, des programmes de recherche sont engagés. J'ai proposé que la France s'associe à l'Allemagne pour lancer un programme européen.
La France a toujours attiré les investisseurs étrangers mais le battage médiatique autour de certaines mesures fiscales symboliques n'a pas amélioré notre image. Les mesures de compétitivité sont de nature à changer la donne. La France va être perçue différemment, à condition de ne pas dévier de cette ligne.
Ne disposant pas des modèles de Bercy, je ne peux chiffrer l'impact sur l'emploi même s'il me paraît probable. Pour moi, l'indicateur le plus important à court terme sera l'investissement. Je craignais beaucoup qu'en ne faisant rien, l'investissement des entreprises ne s'effondre l'an prochain, comme on l'a vu en 2009. Le pacte de compétitivité doit lever les interrogations des chefs d'entreprises et créer le choc de confiance nécessaire. Si l'investissement se stabilise au moins en 2013, ce sera un premier élément de succès.
Les partenaires sociaux sont face à un moment historique. Ils doivent prendre leur responsabilité et n'ont pas le droit de rater ce rendez-vous. Les organisations patronales peuvent difficilement ne pas tenir compte du geste fort que vient de leur adresser le gouvernement. Les Français les regardent. Les syndicats des salariés des entreprises concernées devront aussi en tenir compte. Les trois discussions en cours sur le financement de la protection sociale, la plus grande implication des institutions représentatives du personnel et la sécurisation de l'emploi peuvent bâtir le socle social du pacte de compétitivité. La reconquête industrielle en dépend.