Le "Made in France" n'a jamais été aussi en vogue. Les politiques en avaient l'un des thèmes phares pendant la campagne présidentielle, et le sujet a pris une tournure très médiatique depuis que le ministre du Redressement productif,Arnaud Montebourg, a posé en marinière Armor-Lux, une montre Herbelin au poignet et un blender Moulinex dans les bras en Une du Parisien Magazine. Toutefois, il s'agit d'une préoccupation portée par les pouvoirs publics depuis plusieurs années déjà. Ainsi l'équipe de Nicolas Sarkozy s'était aussi emparée du sujet, notamment par la voix d'Yves Jego qui avait remis à l'ex-président un rapport intitulé "En finir avec la mondialisation anonyme : la traçabilité au service des consommateurs et de l'emploi".
D'autres initiatives privées se mettent également en place. De nouveaux labels ont vu le jou. Des salons dédiés aux produits fabriqués en France fleurissent également, à l'instar du MIF Expo, qui se tient Espace Champerret à Paris du 9 au 11 novembre.
Mais s'il semble prouvé que le patriotisme économique constitue l'un des remèdes à la crise et que les Français se disent prêts à jouer le jeu et à dépenser plus pour s'offir des produits français, reste à déterminer ce qu'est vraiment le Made in France. Et ce n'est pas si simple…
• Que dit la loi ?
En vérité, pas grand-chose de précis. Il n'existe pas de définition légale du "Fabriqué en France " ou du "Made in France" ou de toute autre expression signifiant au consommateur que le produit qu'il achète a été fabriqué sur le territoire. Même, il n'est plus obligatoire, dans l'Union européenne et par conséquent en France, de mentionner l'origine nationale des produits. Et ce, que ces produits soient fabriqués dans l'UE ou importés d'un pays tiers. Seuls les produits agricoles et alimentaires font exception à la règle. Cette absence d'obligation pour les marchands a été décidée par la Commission européenne au nom de la libre circulation des biens et des services.
Le marquage d'origine est donc facultatif et volontaire. Il est effectué sous la seule responsabilité du fabricant ou de l'importateur… qui ne peut néanmoins pas faire n'importe quoi. Des textes protègent en effet le consommateur en sanctionnant ceux qui apposeraient des indications trompeuses. Pour empêcher ces pratiques abusives et les sanctionner si besoin, il existe deux types de contrôles :
- un premier effectué par la direction générale des Douanes pour les produits à l'importation.
Ainsi, un industriel qui décide de préciser l'origine de son produit (en France) doit le faire en conformité avec les "règles d'origine non préférentielle" du code des Douanes communautaire (DAC). Et c'est là que les choses se compliquent. "L'origine non préférentielle" est un terme un peu barbare qu'il ne faut pas confondre avec la provenance géographique du produit ni avec son statut communautaire -signifiant uniquement que les droits de douanes ont été payés. Cette notion doit être considérée comme la nationalité de la marchandise au regard de règles spécifiques.
En clair, l'administration des Douanes vérifie que les marchandises ne comportent pas un marquage délictueux laissant croire au consommateur qu'elles ont été fabriquées en France alors qu'elles proviennent d'une origine tierce. Et ce, en vertu de l'article 39 du code des Douanes.
- un second contrôle peut être effectué par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour les produits mis sur le marché intérieur.
La DGCCRF se base essentiellement sur l'article L 121-1 du code de la consommation qui définit une pratique commerciale trompeuse, notamment comme des "allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur (…) son origine". Des sanctions pénales sont prévues en cas d'infraction.
Toutes ces démarches ne posent pas de problème quand le produit est fabriqué dans un seul pays. Mais ce cas de figure est très rare, les processus de fabrication étant, la plupart du temps, mondialisés. Or ceci n'est pas pour faciliter la tâche des entreprises qui souhaitent apposer un marquage d'origine sur leur production issue d'éléments provenant de pays différents ou qui ont subi des transformations dans plusieurs pays. La règle veut qu'une telle marchandise "est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à ce effet et ayant abouti à la fabrication d'un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important" (Article 24 du DAC).
Comme il n'est pas toujours facile de déterminer si ces critères ont été satisfaits, des règles ont été établies au cas par cas pour différents produits (annexes 9 à 11 du DAC). Par exemple : les vêtements et accessoires du vêtement en bonneterie nécessite une confection complète en France pour mériter la mention "Made in France" ou un équivalent (annexe 10) ; pour les chaussures : "Fabrication à partir de matière de toute position, à l'exclusion des assemblages formés de dessus de chaussures fixés aux semelles premières (...)" (annexe 11). Ces définitions ne sont pas toujours évidentes à appliquer aux cas concrets, et surtout, il existe de nombreux objets qui n'entrent pas dans ces définitions. Pour ceux qui ne sont pas couverts pas une règle spécifique, on retient la notion de "dernière transformation substantielle". Ce qui laisse alors beaucoup de latitude au fabricant.
• Qu'en est-il des labels ?
De nombreuses initiatives privées, visant à promouvoir la production, la qualité et le savoir-faire national ont été engagées par des associations ou des fédérations. Il ne peut s'agir que d'actions privées, les Etats membres européens n'ayant pas le droit d'apporter un soutien direct (notamment financier) à ces démarches. Et ce, comme nous l'avons dit précédemment, au nom de la libre circulation des biens et des services. Le label le plus connu est "Origine France garantie".
-> Lire l'article "qu'est-ce que le label 'Origine France Garantie'".
L'une des rares exceptions à l'interdiction d'aide d'Etat est le label "Entreprise du patrimoine Vivant". Il s'agit d'une marque du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, mis en place pour distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence. "L'UE a accepté que ce soit un label d'Etat car il s'agit de maisons qui détiennent un savoir-faire d'excellence ou ancestral. Ne pas les aider reviendrait à mettre leurs filières respectives en péril et à perdre leurs techniques. Et de toute façon, on remarque que le nom du label ne contient pas le mot "France", explique Fabienne Delahaye, commissaire général du MIF Expo.